Impacts techniques & changements culturels

En lien avec la place de plus en plus importante que tient le numérique au sein des institutions artistiques et des musées, naissent de multiples enjeux techniques et culturels. Ces enjeux posent des problématiques nouvelles. Dans le cas du Centre Pompidou, quelles sont les questions essentielles soulevées par le développement des technologies numériques ?

Les enjeux techniques 

Dans un premier temps, l’augmentation de ces outils numériques suppose d’accorder un budget bien plus important au numérique et à l’innovation technologique de manière a suivre les avancées techniques qui permettent a ces institutions de se développer et « d’exister » . Déjà en 2012, le nouveau Centre Pompidou virtuel avait couté l’importante somme de 12 million d’euros ! Il est également indispensable au musée de posséder des personnels qualifiés dans ce domaine, capables de gérer ces nouveaux dispositifs : faire appel a des professionnels du numérique, extérieur au musée ? Ou bien former des personnes qui travaillent déjà l’intérieur de l’institution ?

Dans un second temps, se pose l’enjeu de réussir à répondre à la nécessité d’évolution de ces outils dans un « contexte de mutation permanente des technologies et des usages numériques » . Cette question à d’ailleurs été posée à Emmanuelle Bermes lors de l’une de ses interview à propos du lancement du nouveau site web. Celle-ci explique que le centre propose des ateliers et des groupes de discussion sur le sujet de manière a adapter les interfaces et les contenus aux attentes des utilisateurs et à rester à l’écoute des nouveautés en matière d’outils numérique. Il est en effet important de continuer à étoffer les informations et les contenus mis en ligne, entre autre, sur le site ainsi que la « demande croissante de personnalisation » . 

Les enjeux culturels 

D’un point de vu culturel, la mise en ligne gratuite de tant de ressources pose la question des droits. Le Centre Pompidou est en effet un musée qui possède en majeur partie des oeuvres du XXe et XXIe siècle, protégées par des droits de propriété intellectuelle. L’enjeu pour le centre est donc d’obtenir toutes les autorisations nécessaires à la diffusion de ces contenus en ligne gratuitement. C’est la raison pour laquelle le site ne propose principalement que des contenus « bruts » tel que des reproduction d’oeuvres et non des informations produites spécifiquement, éditorialisées comme des catalogues d’exposition par exemple. Si le site veux pouvoir s’améliorer et s’agrandir il est donc nécessaire au Centre de réaliser des négociations et des accords pour la libération des droits. Un sujet qui reste assez complexe et sensible.

Enfin une question culturelle essentielle se pose face à la grande place que prend le numérique dans les musées qui est de savoir si le numérique et le virtuel ne vont pas prendre le pas sur le musée in situ ? Ces mises en lignes de ressources numériques ne menacent-elles pas les musées qui pourrait voir leurs visites baisser ? N’y a-t-il pas un risque d’éloignement avec le lieu du musée ? De mise à distance ? Sur ce sujet Alain Seban dit que « le fondement même de l’expérience du musée, c’est la relation directe entre le visiteur et des œuvres originales » et que, par là, l’expérience numérique ne remplacera jamais la visite réelle. Que les reproductions, les images numériques ne remplaceront jamais l’original car n’ayant pas la même portée, et qu’elles « ne resteront jamais que de pâles succédanés à la visite du musée, qui ne parviendront jamais à recréer l’émotion que procure la révélation d’une œuvre d’art originale et les conversations que les œuvres nouent entre elles dans le cadre d’un accrochage réussi. »

Interactivité ou création d’information

Le site web du Centre Pompidou propose un « espace personnalisé » disponible dès la page d’accueil dans un onglet rouge vif, mis en relief par rapport au reste du site. On distingue ainsi deux espaces : l’un d’information, l’autre comme espace privé du visiteur qui, on va le voir, peut créer de l’information. Cette caractéristique du site web a été longuement mise en valeur lors de la présentation du nouveau Centre Pompidou Virtuel en 2012. Si on ne peut pas encore « commenter » ou « liker » une oeuvre dans les salles d’exposition, en ligne, ça semble être possible !

Espace Personnel, page d'accueil du site web Centre Pompidou.

Capture d’écran, Espace Personnel, page d’accueil du site web Centre Pompidou.

En arrivant sur le site web du Centre Pompidou, l’internaute, via l’espace personnalisé, peut de se créer un compte, qui correspond a son espace privé sur le site. Une fois ce compte crée, l’internaute à tout d’abord la possibilité, s’il le souhaite, de recevoir de multiples informations concernant des sujets et des thèmes qu’il aura préalablement choisi, définis selon ses centres d’intérêt. Ces derniers sont répartis en deux catégories : « actualités » et « ressources », offrant la possibilité de recevoir liens et documents. Il peut également s’agir d’alertes par courriel journalières ou hebdomadaires selon la convenance. Ce système permet de créer un lien direct entre l’information et les contenus du Centre Pompidou et le visiteur. Cette médiation privilégie le contenu à la simple « promotion » du musée.

Par ailleurs, ce service offre la possibilité au visiteur de créer ses propres « parcours » au sein du site web. L’internaute choisi donc les pages qui l’intéresse, qui attirent son attention. Il peut ensuite rédiger une note sur chaque page avec un intitulé qui sera référencé dans l’onglet de parcours. À partir de la, l’internaute peut alors développer plusieurs parcours sur tous les thèmes qu’il souhaite et les rendre public : sur facebook, twitter, par courriel, ou encore par permalien  offrant la possibilité à toute personne disposant du lien de les consulter.

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Capture d’écran, Parcours Jeff Koons, note et intitulé d’un lien du parcours

D’autre part, une rubrique « contributions » offre la possibilité à ceux qui le souhaitent de contribuer au site et ainsi d’alimenter et d’enrichir la description des ressources du Centre Pompidou, notamment grâce à l’aide de mots-clés. Chose qui apparait comme une petite « révolution » à l’échelle du site web puisque l’internaute devient lui même porteur d’informations. Il peut donner son avis, offrir un angle d’approche différent, mais aussi produire de l’information et la partager. Le visiteur du musée n’est plus simplement passif mais devient un internaute actif qui interagit avec l’institution.

Le Centre Pompidou  reste ainsi fidèle à son but rendre la culture accessible à tous et par tous en créant ce dispositif de collecte et de partage d’informations sur ses propres évènements culturels via son site web, et se démarque par là de bon nombre de musées. À cela s’ajoute la contribution des internautes via les réseaux sociaux.

Rester connecté : applications et réseaux sociaux

Outre son site web, le Centre Pompidou est également présent sur d’autres plateformes internet et outils multimédia tels que Facebook, Twitter ou encore à travers des applications pour iphone ou ipad, nous le verrons. Cette ouverture des musées, assez récente, correspond à une volonté de diffusion de l’information de plus en plus complète et rapide, à une nouvelle forme de communication interactive avec le public ainsi qu’une volonté d’élargir son public. Le Centre Pompidou s’ouvre  ainsi à différentes formes d’innovations numériques qui lui permettent d’augmenter sa visibilité.

L’actualité du Centre Pompidou via les réseaux sociaux

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Capture d’écran, Page Facebook du Centre Pompidou.

Les premiers outils nécessaires à la diffusion et à la promotion d’évènements culturels sont aujourd’hui les réseaux sociaux. Comme bon nombre d’institutions le site du Centre Pompidou propose un lien Facebook, dès sa page d’accueil. Cette page contient des images et des messages « inédits » en rapport avec l’actualité du musée, publiés quasi quotidiennement. Ils sont très souvent porteur d’informations anecdotiques afin de promouvoir le plus simplement possible chaque évènement et ainsi susciter l’envie spontanée chez l’internaute. On peut également s’abonner à la page et suivre l’actualité dans ses propres actualités Facebook.

Le site compte également un lien vers sa page Twitter. On peut y suivre le fil d’actualité de Beaubourg en direct et en continu. Des liens vers le site officiel permettent également de cibler l’évènement et l’information voulue.

Enfin, la page d’accueil, suggère tout en bas un lien vers la page du Centre Pompidou sur dailymotion. Celle-ci liste et archive les nombreuses vidéos des expositions, lectures, débats du Centre. Après avoir visionné l’une des vidéos, clip de l’exposition Jeff Koons par exemple, celui-ci suggère d’autres vidéos sur le même sujet, issues de médias différents. Dailymotion offre la possibilité aux visiteurs (ou futurs visiteurs) de découvrir ou de se remémorer l’actualité des expositions du Centre Pompidou, mais également de suivre les avis et commentaires de professionnels, dans des vidéos spécialisées.

Le Centre Pompidou, outre son site web, a donc également investit les réseaux sociaux, devenus aujourd’hui des outils incontournables de la communication. Rapide et efficace, ce moyen de communication est plus indirect que celui du site internet mais permet une promotion permanente et en temps réel de toutes les activités proposées au Centre. La plupart des personnes possédant un Smartphone et étant inscrite sur des réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter reçoivent des notifications sur leur téléphone en direct (grâce à leurs applications), et cela, partout ou ils se trouvent. Dans un sens, plus besoin d’aller vers l’information : l’information vient a eux ! Pour finir, la présence de l’institution sur les réseaux sociaux permet aussi de toucher des publics assez relativement jeunes et assez variés.

Le multimédia au plus proche de la création

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Capture d’écran de la boutique en ligne, rubrique Multimédia, applications ipad.

Le Centre Pompidou propose également, via son site internet, différentes applications payantes pour ipad concernant artistes ou expositions (on peut en retrouver d’autres dans l’itunes store). En cliquant dessus on peut alors les acheter directement via l’itunes store. Ces applications sont diverses et variées – car elles ont changé plusieurs fois de configuration depuis 2012. En effet, les premières applications pour Gerhard Richter et Henri Matisse ressemblent à un livre numérique, et contiennent des informations sur les artistes et leurs oeuvres. L’interface intuitive permet de zoomer sur les parties de texte ou les images de notre choix. On peut également visionner un certain nombre de vidéos rendant l’application plus complète.

En 2013, ce sont les artistes Roy Lichtenstein et Simon Hantaï qui viennent s’ajouter à la collection d’applications. Avec un style plus épuré encore qui reprend les codes du site actuel. Ces deux applications comprennent elles aussi des onglets sur les artistes, les thématiques des oeuvres et certaines vidéos, mais elles ne s’apparentent pas à la numérisation d’un catalogue d’exposition. Il s’agit ici d’une création originale, reprenant les oeuvres phares de ces deux artistes en lien avec les expositions passées du Centre Pompidou.

Enfin, en 2014, Henri-Cartier-Bresson et Marcel Duchamp complètent la liste des applications disponibles via l’itunes store. Ces applications, plus élaborées, renvoient à un catalogue d’exposition interactif. On peut en effet, faire une recherche d’information ciblée par époque ou période de l’artiste. Il ne s’agit plus d’un simple catalogage d’images mais bien de découvrir ou re-découvrir les univers des artistes dans leur globalité.

Lors de l’ouverture du Centre Pompidou Virtuel en 2012, face au budget très important (12 millions d’euros) qui avait été dépensé pour la création de cette nouvelle interface, les médias interrogeaient Alain Seban sur la manière dont le centre allait subventionner cette opération. Ce dernier avait alors parlé – outre l’ouverture de la boutique en ligne – de la mise en place de ces applications payantes et de catalogues payants téléchargables en ligne.

 L’application officielle du Centre Pompidou 

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Capture d’écran, Application du Centre Pompidou sur Apple store.

L’application officielle du Centre Pompidou quant à elle est gratuite, et disponible pour les iphones, ipad et Itouch (à quand l’application disponible pour androids ?). Elle propose d’explorer les chefs-d’oeuvre les plus marquants de sa collection d’art moderne et contemporain. Sa configuration et ses graphismes soignés et épurés en font une application ludique et pratique qui permet de suivre au mieux l’actualité des événements du musée. Elle contient également des liens vers des vidéos et des articles concernant les expositions/artistes/oeuvres. Son contenu n’est pas très dense mais son but n’est pas de réunir et de stocker de l’information, il s’agit surtout de se familiariser avec l’univers du Centre Pompidou et de découvrir les évènements pluridisciplinaires proposés.

Pompidou Kids : une application pour les enfants

Capture d'écran, application Pompidou Kids

Capture d’écran, application Pompidou Kids

Pour tout musée, attirer le jeune public reste une tâche difficile car il s’agit d’adapter les parcours et les oeuvres des expositions aux enfants sans « trahir » le travail de l’artiste. Il s’agit également d’intéresser et de sensibiliser ces jeunes visiteurs aux institutions muséales. Pompidou Kids est une application mise en place par le Centre Pompidou en partenariat avec Gallimard, disponible sur l‘app store, qui utilise le numérique de façon ludique et permet de faire découvrir au jeune public les oeuvres du musée. En effet, l’application propose de nombreux jeux pour enfants (dès 4 ans). Lié directement aux artistes ou à leurs oeuvres, ces jeux permettent aux jeunes de se familiariser avec l’univers de l’art, en découvrant les différents courants ou techniques artistiques. Ils offrent la possibilité d’observer en détail et de comprendre de nombreuses oeuvres. Ainsi, le jeu concernant Henri Matisse consiste, après une présentation vocale (celle des documentaires Gallimard) du tableau, de l’artiste et de la technique, en une « reconstitution » du tableau en faisant glisser les formes sur la toile.

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Capture d’écran, d’après le tableau « Le cheval, l’Ecuyère et le Clown » de 1944-45, jeu d’assemblage de l’application PompidouKids.

L’application propose également des jeux de mémoire pour permettre, une fois encore, d’aiguiser le sens de l’observation. On y trouve  des coloriages mais aussi un jeu en 3D. Ainsi, cette application rend l’art contemporain plus accessible au jeune public, de façon ludique, et développe l’esprit d’analyse et le sens de l’observation chez les tout-petits. Par ailleurs, l’ergonomie est très bien pensée : fluide et facile à manipuler, l’application à beaucoup de succès auprès des enfants, elle fait également preuve d’un grand réalisme concernant les oeuvres notamment celles en 3D.

Blinkster, une expérience muséale à l’ère du numérique

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Capture d’écran, Blinkster.fr,exemple d’informations relatives aux oeuvres via l’application Blinkster.

Depuis quelques années, le Centre Pompidou s’inscrit dans un projet novateur en terme de médiation en lien avec le numérique. Il pose la question du regard du visiteur face aux oeuvres exposées. Ainsi, le musée se dote (pour certaines expositions) depuis 2010 d’une application gratuite pour smartphone, appelée Blinkster qui a pour but de révolutionner l’expérience muséale du visiteur au sein du musée.

Cette application permet à chaque personne munie d’un smartphone d‘apprendre davantage d’informations sur les oeuvres présentes lors des expositions. Il s’agit de scanner (prendre en photo via l’application) une oeuvre de son choix.  L’image est ensuite envoyée à un serveur qui trie les informations concernant l’oeuvre. Une documentation apparait alors, complémentaire au cartel sur l’oeuvre en question. Ce dispositif sert également à partager et publier les images des oeuvres en direct sur les réseaux sociaux. Considéré comme un prolongement de l’audio-guide, Blinkster s’adresse à un public beaucoup plus large.

Cette application change le comportement du visiteur vis à vis des oeuvres, créant un parcours plus ludique ou le visiteur est dans une démarche « active ». Ce moyen est assimilé à une forme de « guide autonome » qui rend la visite la plus complète possible. Cependant, ce système ne concerne pas toutes les expositions du Centre Pompidou, et seules quelques salles du musée sont concernées (ou les oeuvres ont été numérisées et scannées pour l’application Blinkster). De plus, si la pluralité d’information est mise à disposition du visiteur, elle perd de sa dimension sociale car elle ne remplace pas un véritable professionnel de la médiation qui sert à faire le lien entre l’institution et le visiteur. Ce dernier, en présence d’un médiateur, peut poser toutes sortes de questions, dépassant parfois le sujet des oeuvres ou expositions du musée. Aussi, la documentation reçue par Blinkster, aussi riche et approfondie soit elle ne peut que servir à une « familiarisation » quand à lecture spécifique, et ne rend pas vraiment compte de la réelle profusion d’information sur les oeuvres.

Le Centre Pompidou, outre son site web, semble donc avoir pour but de renforcer sa présence sur les réseaux sociaux et les outils multimédia, toujours dans une volonté d’échange et d’interaction avec le public.

Une nouvelle stratégie numérique

« Le nouveau centrepompidou.fr rompt avec les approches institutionnelles qui ciblent en priorité les visiteurs potentiels, en privilégiant une approche résolument orientée vers les contenus. Ce site Internet d’un genre nouveau peut certes venir en complément de la visite in situ, mais aussi constituer en soi une expérience d’une nature différente. Sans chercher à remplacer l’expérience directe du contact à l’œuvre en proposant des visites virtuelles, le Centre Pompidou virtuel affirme l’identité numérique propre de l’institution. »  Emmanuelle Bermes.

Capture d'écran de l'ancien site web du Centre Pompidou

Capture d’écran de l’ancien site web du Centre Pompidou

En 2012, lors de la mise en ligne du « Centre Pompidou Virtuel » , nouveau site de Beaubourg, le président Alain Seban, ainsi que les différents acteurs du projet telle qu’Emmanuelle Bermes, chef du service multimédia du Centre Pompidou ont énoncés les nouvelles fonctionnalités du site et les principales innovations apportées. le Centre Pompidou met ainsi en place une nouvelle stratégie numérique qui a pour objectif le développement d’une plateforme de diffusion de contenus numériques en ligne . Après plusieurs années d’ouverture du site quel bilan d’expérience pouvons-nous en tirer ? 

Une conception innovante

« À l’origine du projet se posait une question fondatrice : que signifie aujourd’hui « être sur le web » pour une institution comme le Centre Pompidou ? » explique Emmanuelle Bermes. Cette question, énoncée par la Chef du service multimédia du Centre Pompidou, constitue la base de toute l’approche qui a été développée par le Centre pour fonder son nouveau site web. Un site web qui devait être en adéquation avec les programmes même du musée : l’ouverture à tous les publics, la pluridisciplinarité, le fait d’être toujours en mouvement mais aussi un site d’une nature nouvelle.

A ce propos Alain Seban expliquait : « Internet me semble présenter un intérêt majeur non pas pour reproduire le musée physique mais pour rendre apparent tout ce qui, en lui, est caché : non seulement les œuvres qui ne sont pas exposées, parce qu’elles sont en réserve, en dépôt ou en prêt, mais aussi et surtout l’ensemble des connaissances, des savoirs que le musée accumule autour de sa collection. Car un musée n’est pas qu’un lieu de conservation et de présentation, c’est aussi un lieu de recherche, parfois d’enseignement, un lieu aussi de médiation et de pédagogie vis-à-vis de publics de plus en plus divers. » Ainsi, on le comprend, le Centre Pompidou Virtuel cherche moins à réaliser des expositions virtuelles, un musée en ligne – qui pour Alain Seban ne pourront jamais remplacer un musée bien réel – qu’à numériser et rendre accessible sur le web l’ensemble de ces savoirs et les rendre manipulables, modifiables, interactifs pour le visiteur. Le Centre Pompidou a donc axé son approche sur les contenus, créant un « centre de ressources en ligne » , donnant à voir sur le net tout un patrimoine. « L’enjeu est moins de montrer ce qui est déjà visible que de révéler ce qui est habituellement caché » nous explique ainsi Emmanuelle Bermes. En effet, au Centre Pompidou, malgré un accrochage tournant, seulement 2000 oeuvres sont exposés sur les 99 000 que le centre possède.

Cette approche documentaire répond à la volonté du Centre Pompidou de ne pas privilégier certaines oeuvres plus connues par rapport à d’autres minoritaires et ainsi de garder sa particularité de lieu pluridisciplinaire et ouvert à toutes sortes de nouveaux médias.

Un public bien plus large

Le Centre Pompidou virtuel en tant que plateforme de ressource en ligne, vise à toucher un public bien plus large qui ne serait pas simplement visiteur de musée mais n’importe quel amateur d’art contemporain ou moderne : étudiant, enseignant, amateur, professionnel, habitué du centre ou au contraire visiteur occasionnel. Le Centre Pompidou virtuel a pour but de s’ouvrir plus largement a tous dans un contexte de globalisation de la culture. Grâce aux réseaux sociaux et aux offres interactives le centre souhaite faire participer un large public dans la vie du musée et « accroitre le dialogue » .

Perception par les sens : web sémantique 

Le nouveau site web du Centre Pompidou, on l’a vu, à pour volonté de créer un parcours « par les sens », dans lequel l’internaute se laisse dériver de mots clés en mots clés, ayant ainsi la possibilité de découvrir des formes d’art différentes mais aussi des artistes inconnus, des courants, des concepts etc. La structure même du site du Centre Pompidou virtuel se veut ouverte, utilisant les technologies du web sémantique (un mouvement collaboratif qui favorise des méthodes communes pour échanger des données), mettant en ligne un grand nombre de données. « Le nouveau centrepompidou.fr est résolument ouvert, jusque dans sa conception qui repose entièrement sur des logiciels libres » indique Emmanuelle Bermes. La possibilité d’interaction au sein même du site grâce à la rubrique personnalisée est également un élément qui permet au Centre Pompidou de permettre au spectateur de s’approprier son propre parcours.

Cette appropriation du parcours est en lien avec l’idée qu’à l’ère du numérique (et du web collaboratif) l’internaute doit pouvoir contribuer : le visiteur n’est plus seulement spectateur mais aussi acteur. Il lui est désormais possible d’interagir via le site web mais aussi via les réseaux sociaux, les blogs amateurs etc. Ainsi Emmanuelle Bermes explique : « Il s’agit de créer des contenus de manière collaborative, mais aussi de construire les futurs outils de l’écosystème numérique avec notre communauté, ce qui lui permettra de mieux s’approprier, de mieux comprendre les œuvres, les spectacles vivants, les vidéos et films, les conférences, etc. » Dans cette même idée le Centre Pompidou en 2012 à lancé une collaboration avec Wikimédia France permettant de « produire des contenus à travers l’animation d’ateliers qui déboucheront à la fois sur l’enrichissement de Wikipédia et sur la création de textes potentiellement réutilisables pour le Centre Pompidou » .

Ces différents aspects, objectifs principaux du Centre Pompidou Virtuel, constituent donc une nouveauté dans la conception des sites web de musées qui ne sont plus de simples interfaces indicatives mais de réels lieux de partages et d’échange, qui donnent la possibilité au spectateur d’en voir plus, d’en savoir plus, et même, de partager ses connaissances et ses coups de coeur. Le Centre Pompidou, en tant qu’institution dédiée à l’art contemporain, à l’art « en train de se faire », en tant que lieu de médiation culturelle qui a pour but de démocratiser l’art, s’intéresse donc tout particulièrement à la place numérique au sein du musée et à la forme que doit prendre ce lien entre institution et numérique. Le Centre tente, à travers la mise en place de ce nouveau site web, sa présence sur les réseaux sociaux, la création d’applications etc., de donner au numérique un rôle nouveau, de lui accorder une place toute particulière dans la vie de l’institution l’utilisant à son tour comme outil de médiation culturelle, de démocratisation de la culture, de découverte des arts et des artistes, de diffusions des oeuvres numérisées, de partage.

Mais alors, si le numérique fait désormais partie à part entière de l’institution, quels enjeux cela soulève-t-il ? Quel est l’impact technique d’un tel changement ? Y a-t-il des changements culturels qui s’opèrent ?

Autour de l’exposition

À l’occasion de la rétrospective Jeff Koons au Centre Pompidou, de nombreuses activités sont mises en place autour de l’exposition. De nature différente, ces activités visent des publics divers et variés et permettent, chacune à leur manière, d’approfondir ou de prolonger la visite.

L’ATELIER DES ENFANTS

Hop ! Hop ! Hop !

Un atelier d’une heure et demi, en famille, pour les enfants de 2 à 5 ans à été mis en place autour de l’exposition. Il se déroule au Centre Pompidou, organisé par la direction des publics. « L’Atelier des enfants est envahi par d’étranges ballons d’aluminium, emblématiques de l’œuvre de Jeff Koons… Se met alors en place un jeu d’exploration autour des matériaux, qui conduit les jeunes aventuriers de l’art à construire une installation très Balloons ! ». Une activité ludique s’adressant aux très jeunes publics les immergeant dans « l’atmosphère Jeff koons ».

Wonderland !

À l’atelier des enfants du Centre, une activité en famille de 2 heures, pour les 6-10 ans est également proposée organisé par le service de l’action éducative et de la programmation publics jeunes. Sur le site web du Centre, le résumé de l’activité annonce : « Plus besoin de passer de l’autre coté du miroir pour découvrir un monde merveilleux ! Comment créer un univers de géants, coloré et extravagant? L’Atelier des enfants, avec un brin de magie et surtout une collection unique d’objets plus pittoresques les uns que les autres, re dessine ses contours à l’aide de ses jeunes visiteurs. Changement obligatoire de mesure, de taille et d’échelle ! » Grace à l’atelier des enfants, les plus jeunes publics sont donc eux aussi invités à découvrir l’art contemporain par des jeux et des activités éducatives au musée dans des espaces qui leur sont spécialement dédiés.

CONFÉRENCES, PAROLES AUX EXPOSITIONS

Parole au Centre 

Le soir du 26 novembre 2014, dans la Grande Salle du Centre Pompidou, Bernard Blistène, commissaire et directeur du Musée national d’art moderne, « invitait l’artiste à revenir sur une carrière qui couvre désormais plus de trois décennies ». Cette activité tenait lieu d’ouverture à l’exposition et donnait la parole aux grands acteurs de cette rétrospective à savoir Bernard Blistène et Jeff Koons. En entré libre, tous les publics étaient donc là encore invités à venir écouter la vision de l’artiste sur son oeuvre.

Made in Koons : parole aux expositions 

Le 5 février prochain est organisé, dans la petite salle du Centre Pompidou, un débat autour de l’exposition. Une critique d’art (Elisabeth Wetterwald), un artiste (Alain Séchas) et des conservateurs issus de différents horizons (Choghakate Kazarian, conservateur au Musée d’art moderne de la Ville de Paris ; Nicolas Liucci-Goutnikov, conservateur au Mnam-Cci et Edouard Papet, conservateur en chef chargé de la sculpture au Musée d’Orsay), confronteront leurs points de vue sur le travail de Jeff Koons. « Chaque participant commentera à sa manière une œuvre de Koons présente dans l’exposition, avant d’engager une discussion visant à décaler les regards et à apporter de nouveaux éléments d’interprétation sur cette œuvre à maints égards énigmatique. » L’entrée est libre, tous les types de publics intéressés sont donc invités à s’y rendre et à assister au débat.

L’organisation de débats tout publics autour de l’exposition permet une ouverture d’esprit et un partage d’informations et de connaissances. Ces débats permettent également de rendre l’exposition plus vivante et de la prolonger à travers des discussions et réflexions communes. Des vidéos de ces débats sont disponibles en replay sur le compte Dailymotion du Centre Pompidou.

VISITES DE L’EXPOSITION COMMENTÉES

Visites adaptées

Une visite en lecture labiale est organisée le 13 décembre pour les publics handicapés. Un conférencier spécialisé dans les techniques de diction utilise un texte et un audiophone équipé de BIM et guide le public dans la visite de l’exposition. Ainsi le visiteur en situation d’handicap, après avoir réservé, à la possibilité de visiter l’exposition avec un guide spécialisé, accédant directement à l’entrée du musée par l’entrée prioritaire.

Autre activité pour les publics handicapés, (toujours le 13 décembre) la visite écouter voir, permet une découverte de l’exposition par les commentaires et les descriptions d’un conférencier spécialisé. De même, le visiteur accède au centre par l’entrée annexe à l’angle de la Rue du Renard et de la Rue St Denis.

Le 13 décembre, s’adressant toujours aux publics handicapés, est organisé une visite de l’exposition en langue des signe. Le conférencier, sourd, s’exprime en langues des signes.

Visites guidées

Organisé par la direction des publics, des visites guidés sont organisées dans l’exposition, en compagnie d’un conférencier du centre. Cette activité est ouverte sur plusieurs jours tout le long de la durée de l’exposition et s’adresse à tous les publics susceptibles de vouloir visiter l’exposition en compagnie d’un guide qui puisse commenter et expliquer les oeuvres exposées.

Audioguide 

Un audioguide est proposé aux visiteurs (disponible, bien entendu, en différentes langues) avec une introduction de Bernard Blistène, des commentaires par les auteurs du portfolio ainsi que des interventions de Jeff Koons lui-même. Audioguides, visites guidées ou visites adaptées, le Centre Pompidou montre donc l’attention portée envers les différents publics – proposant des services aujourd’hui courants dans les  grands musées – permettant des visites de l’exposition commentées.

PUBLICATIONS 

À la petite boutique du cinquième étage, en sortant de galerie 1, juste après l’exposition Koons, sont disponibles les publications en rapport avec la rétrospective. Le catalogue de l’exposition dirigé par Scott Rothkopf, un portfolio sous la direction de Bernard Blistène, un album de l’exposition qui regroupe l’ensemble des oeuvres exposées, et un livre pour le jeune public Koons pour les enfants sous la direction d’Anne Weiss. Des numéros de magazines artistiques ayant publié d’importants dossiers sur le sujet sont également disponibles.

PARTENARIATS

Jeff Koons et H&M

Sac H&M réalisé en collaboration avec Jeff Koons à l'occasion de la rétrospective

Sac H&M réalisé en collaboration avec Jeff Koons à l’occasion de la rétrospective

À l’occasion de la rétrospective Koons à Paris, l’artiste réalise, en partenariat avec la très célèbre marque de prêt à porter H&M, un des mécène de l’exposition, des sacs à mains sur lesquels est imprimée la l’image de l’un de ses fameux Balloon Dog (magenta) en édition limitée. En juillet dernier, dans le cadre de l’ouverture de son nouveau flagship sur la 5ème avenue à New York, H&M avait déjà collaboré avec Jeff Koons pour créer un sac Balloon Dog (Yellow).

Pour se procurer l’un des sacs la page Facebook de l’événement prévient : « Une seule chance de se le procurer : rendez-vous dans le magasin des Champs Elysées, le 10 décembre prochain à 8h30 ! » et ils ajoutent à la fin de la description : « 2 invitations à l’exposition Jeff Koons, la rétrospective au Centre Pompidou offertes aux 50 premiers clients » lors d’un petit déjeuner « arty » organisé avec la collaboration de Nadège Winter. Le sac sera également disponible sur le site internet d’H&M.

Jeff Koons, la rétrospective

Du 26 novembre 2014 au 27 avril 2015 Jeff Koons est exposé au dernier étage du Centre Pompidou, Galerie 1, aux cotés de Marcel Duchamp – La peinture même, artiste phare du XXe siècle, inventeur des fameux ready made et souvent évoqué comme source d’inspiration à l’oeuvre de Koons. L’espace que le Centre lui consacre, dans la lignée des nombreuses autres grandes rétrospectives ayant eux lieu au MNAM, est très prestigieux. Si Jeff Koons a déjà fait l’objet de nombreuses expositions, présentant des ensembles précis de son travail ou bien des sculptures spécifiques, aucune exposition n’a encore rassemblé son œuvre de manière exhaustive et chronologique, couvrant toute sa production. La rétrospective du Centre Pompidou, qui fait suite à celle du Whitney Museum of American Art de New York (qui s’est déroulée du 27 juin au 19 octobre 2014), présente aux spectateurs une centaine de sculptures et peintures, venues de toutes parts.

Photographie de l'exposition Jeff Koons au Centre Pompidou  © beaubourgetlenumérique.wordpress.com

Photographie de l’exposition Jeff Koons au Centre Pompidou © beaubourgetlenumérique.wordpress.com

Parcours de visite : découvrir l’exposition 

L’espace d’exposition, assez vaste, est aménagé selon un parcours de visite à thèmes, mettant en évidence les différents cycles de travail de l’artiste de manière chronologique. Cette présentation à pour avantage de présenter la diversité des oeuvres de Jeff Koons tout en retraçant son parcours intellectuel au fil des années. Ainsi la série des Inflatables est considéré par Jeff Koons comme sa première se composant de jouets gonflables colorées, la série Equilibrium consacrée au « rêve américain » présente -entre autre – les fameux ballons en équilibre dans de l’eau : les Tanks. Plus loin dans l’exposition, Made in Heaven présente des oeuvres regroupées dans une salle interdite aux jeunes publics ; une série de mises en scènes pornographiques avec la Ciocciolina. Un parcours qui se clôt avec la série Gazing Ball, exposant des répliques de chefs d’oeuvres de la culture classiques, sculptures reproduites en plâtre et détournées.

En bref, l’espace d’exposition est vaste, clairement organisés autour de thèmes définis par des textes explicatifs sur les murs. Le parcours est rendu de ce fait assez agréable et plutôt ludique – comme le voudraient les oeuvres de Koons. La visite en somme est assez rapide et claire. Au niveau de la présentation des oeuvres le choix d’une grande simplicité a été fait.

Photographie de l'exposition Jeff Koons au Centre Pompidou, série Made in Heaven  © beaubourgetlenumérique.wordpress.com

Photographie de l’exposition Jeff Koons au Centre Pompidou, série Made in Heaven © beaubourgetlenumérique.wordpress.com

La place laissée au numérique au sein de l’exposition

Dans un musée s’intéressant tout particulièrement à la création contemporaine et aux nouveaux médiums tels que le numérique, et lors d’une exposition sur un artiste contemporain américain utilisant largement  les technologies numériques pour la conception de ses oeuvres il est intéressant de se demander : quelle est la place laissée au numérique dans l’espace d’exposition même ?

La réponse est simple : quasiment aucune ! L’exposition dans son genre reste en effet tout à fait « classique » : pas de vidéos projetées sur les murs, d’écrans tactiles, d’équipements interactifs etc. Rien de tout cela. Si ce n’est la possibilité – aujourd’hui de plus en plus répandue dans les musées – de louer un audioguide ou de se connecter au wifi gratuit du Centre Pompidou afin, si on le souhaite, de pouvoir diffuser des images de sa visite sur les réseaux sociaux. A ses cotés, l’exposition Marcel Duchamp propose bien plus de programmes numériques que sa voisine. Le choix a donc été orienté vers une grande sobriété numérique en comparaison avec certaines autres manifestations du Centre. Cet exemple de l’exposition Jeff Koons, semble nous démontrer au moins une chose : si le numérique entre de plus en plus dans les pratiques muséales il n’est pas cependant omniprésent. Mais qu’en est-il de l’exposition en ligne et sur les réseaux sociaux ? Le numérique n’est-il pas présent d’une autre façon ? 

Exposition Jeff Koons au centre Pompidou

Exposition Jeff Koons au Centre Pompidou

Avant et après l’exposition : et sur le site ?

Pour chacune de ses expositions Beaubourg propose sur son site web une page tout spécialement dédiée à l’évènement, généralement signalée sur sa page d’accueil par une image représentant l’exposition : ici le Ballon Dog magenta. Cette page c’est la « représentation » officielle de l’exposition sur internet. Mais alors quels contenus numériques propose-t-elle et quelle est la place laissée aux outils numériques ?

Une vidéo tient lieu de bande annonce à l’exposition (voir teaser ci-dessus). On y trouve également une présentation de l’évènement, toute sortes d’informations (une interview de l’artiste, entre autre) et d’indications pratiques, la possibilité d’acheter ses billets en ligne, les évènements en rapport et les liens vers les produits dérivés…Pour Jeff Koons, est également proposée une page Facebook ainsi qu’un #Koons sur Twitter.

On notera ainsi que si les dispositifs numériques en ligne sur le site web à propos de l’exposition ne sont pas très variés et ne proposent pas beaucoup d’options (mise en ligne de plus d’images de l’exposition ? Dossier pédagogique ? etc.) et que si  la rétrospective elle-même ne propose par beaucoup de dispositifs numériques, l’exposition, tout comme le Centre Pompidou à plus grande échelle, est bien présente sur les réseaux sociaux, lieux rapides de relais de l’information ou tout est quasiment en temps réel. Sur Twitter de nombreux internautes postent déjà des articles quand à la fréquentation record de l’exposition, les images des visites sont mise en lignes. Et les médias, il est vrai relaient eux aussi à leur tour l’information, présentant différents articles disponibles sur le web sur le sujet.

Cette caractéristique, que l’on retrouve donc à l’échelle du Centre, fait partie des stratégies principales voulues par le Centre Pompidou. Ainsi, à travers cet exemple on comprend bien que le Centre Pompidou développe son rapport avec le numérique dans une volonté d’interactivité avec le public, de diffusion et de documentation des oeuvres. Les technologiques deviennent un important médiateur culturel de relais de l’information. Si le numérique n’est pas présent directement dans l’exposition Jeff Koons, il est bien présent « autour » de l’évènement. 

Le Centre Pompidou virtuel

Dès les années 1990, les premières politiques de numérisation du patrimoine ont été lancées. Leurs objectifs : préserver les collections, favoriser la recherche et donner un accès plus large à des fonds jusqu’alors invisibles. Les musées ont aujourd’hui prit la mesure des possibilités qui leur sont offertes par les technologies numériques et s’emparent de ces nouveaux outils. En 2010, les musées français étaient 63% à posséder leur site et en 2012 ce chiffre monte à 81%. Informations pratiques, communication des évènements et promotion des collections : pour qu’un musée existe il faut désormais qu’il crée son propre site web. Parmi eux, le site de Beaubourg : le « Centre Pompidou Virtuel » dont la nouvelle interface, lancée en 2012, se veut particulièrement inédite.

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Capture d’écran : page d’accueil du site web du Centre Pompidou.

Une « navigation par les sens »

Le site web du musée s’articule en différentes rubriques qui structurent et organisent la visite de l’internaute, faisant également référence à la pluridisciplinarité de l’institution. Ces rubriques sont accessibles depuis la barre de menu, en haut. Sur la page d’accueil, le site expose directement des oeuvres numérisées, issues des expositions temporaires et permanentes qui font office de de liens vers les informations relatives aux expositions. Le fond clair, les images disposées simplement en un rectangle central et le peu de texte permettent au spectateur une visite rapide et facile, de « créer son propre parcours » à l’intérieur même du site. Lors du lancement du nouveau site web du musée en 2012, Alain Seban disait en effet vouloir créer un site web sur lequel le visiteur navigue « par les sens », de façon simple et intuitive. La présentation de la page d’accueil (et de l’ensemble du site) font ainsi le choix « d’une grande sobriété graphique qui favorise la lisibilité ».

On distingue donc quatre entités distinctes qui composent la page d’accueil : la barre de menu, qui permet de naviguer dans le site ; l’espace personnalisé, à gauche ; le rectangle d’images présentant les évènements du musée, au centre de la page ; et enfin, en bas, l’espace des mécènes et des sites attenants au centre tels que celui de la Bpi, du Centre Pompidou de Metz ou encore de l’IRCAM.

À propos du Centre Pompidou : connaître et comprendre l’institution 

La première rubrique – figurant dans la barre de menu – concerne l’histoire de l’institution et sa stratégie en terme de diffusion d’art contemporain. Cette rubrique à l’avantage de retracer l’histoire d’un lieu, d’en faire connaitre ses origines, son programme premier mais aussi son organisation détaillée actuelle, ses stratégies et ses projets. Le tout est présenté dans une sorte de « menu déroulant » « en accordéon » avec des rubriques et multiples sous rubriques, simple d’utilisation, facilement consultable.

A l’intérieur même de cette rubrique, un onglet est spécialement dédié à la recherche et à la formation. Section qui s’adresse donc directement à un public spécialisé ciblé. Celui-ci présente, entre autre, les publications internes au Musée National d’Art Moderne, l’accès à la lecture partielle de certains cahiers, une consultation de tous les numéros disponibles, la commande d’ouvrages en ligne. On y trouve également une section dédiée à la recherche avec l’actualité des bourses d’étude mises en place par l’institution, ainsi qu’un lien vers l’une de ces études : Histoire des expositions.

La rubrique se dote également  d’un espace professionnel, référençant toutes les informations nécessaires aux divers métiers en lien avec le musée, notamment les professionnels du tourisme, les marchés publics (un espace de consultation des appels d’offres) ou encore l’événementiel (lien vers la location d’espace). Là encore, le musée s’adresse à un public ciblé : non plus seulement aux simples visiteurs, mais également aux professionnels désirant travailler avec l’institution (avec une section consacrée aux offres d’emplois et de stages) et aux chercheurs.

Dans cette première et assez vaste rubrique, le Centre Pompidou est donc présenté dans son ensemble, de son histoire et son évolution à ses problématiques actuelles, de son organisation à ses offres professionnelles en passant par ses publications. La rubrique est simple, présentée dans un menu en accordéon, et les outils numériques utilisés sont relativement peu nombreux (quelques vidéos, dossiers pédagogiques). Enfin, le public ciblé est assez varié : étudiants, professeurs ou chercheurs mais aussi amateurs ou touristes (le site est traduit en anglais et en espagnol).

Des services personnalisés et des ressources gratuites

« Le site est le point d’entrée dans un écosystème complet, couplant l’accès à des ressources gratuites et à des services personnalisés ». Alain Seban.

La seconde rubrique proposée sur le site web dans la barre de menu, s’attache à simplifier l’organisation ou la planification de la visite de l’internaute au Centre Pompidou. Elle propose de nombreux liens et outils d’informations permettant d’anticiper la venue au centre afin de la rendre la plus simple et agréable possible. Dans la volonté de toucher tous les publics et rendre l’art plus accessible, le site met aussi en place des sections « publics spécifiques » permettant d’élargir à nouveau le spectre des visiteurs, notamment à un public handicapé.

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Capture d’écran : Centre Pompidou public handicapé, page d’accueil.

Par ailleurs, le site met à dispositions des ressources afin de préparer la visite comme des dossiers pédagogiques – chose qui reste assez rare aujourd’hui dans les sites web de musées – pour les enseignants,  les étudiants ; ainsi que des lien vers des vidéos à diffuser en classe, avant la visite.

Ex expo Philippe Starck, dossier pédagogique

Capture d’écran. Exposition Philippe Starck, dossier pédagogique, page d’accueil.

Le site met donc à disposition une richesse d’informations au profit d’une multitude de publics, permettant une complémentarité avec son espace muséal. Cette quantité d’informations disponibles, uniquement sur le site du musée, renvoie à une stratégie d’adhésion du public qui se familiarise avec l’ensemble des projets du Centre Pompidou. Le Centre Pompidou Virtuel, plus qu’une simple plate-forme de renseignement, devient alors un véritable centre de ressources en ligne. Alain Seban disait à ce propos : « Cette nouvelle plateforme va devenir un vaste centre de ressources ouvert et décloisonné sur l’art moderne et contemporain sans équivalent au monde ».

La programmation, un incontournable 

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Capture d’écran, Agenda par semaine du site web Centre Pompidou.

La troisième rubrique correspond à l’agenda du musée, répertoriant sur un calendrier les dates des expositions temporaires et tous les autres évènements (cinéma, concerts, ateliers, spectacles, horaires de groupes etc.) qui ont lieu au Centre Pompidou. Ces informations permettent à n’importe quel public (professionnel ou amateur) de planifier tout en simplicité sa visite depuis chez soit, mais aussi de susciter l’envie de découvrir les autres évènements proposés dans le musée.

L’agenda est répartit selon les différents types de publics et toujours en fonction de l’actualité du musée, permettant des recherches croisées et plus précises pour satisfaire toutes les envies. Il comprend par ailleurs de nombreux liens vers les évènements en question contenant des vidéos, biographies et présentations associées. De plus, les tags sur chacune des pages permettent une navigation d’autant plus riche et précise. En prenant l’exemple de l’exposition de Jeff Koons via l’agenda, lorsque l’on clique sur la date du 04 décembre à 15h, l’internaute se retrouve sur la page de présentation de l’exposition. Puis, sur cette page apparaissent les différents tags en rapport avec cette exposition. On retrouve alors, « culture américaine » , « culture populaire », « objet quotidien » etc. Ces différents mots clés sont des liens vers des ressources  abordant les oeuvres, artistes, expositions à travers des thèmes beaucoup plus vastes.

La rubrique agenda, bien que peu « originale » aujourd’hui pour un site web de musée, reste essentielle pour les institutions artistiques aux programmations nombreuses et variées. L’agenda en ligne du musée est un atout majeur devenu incontournable aujourd’hui avec le développement des nouvelles technologies (et notamment des Smartphones) et un geste qui est complètement rentré dans les habitudes du public. A cela s’ajoute, on le verra l’intermédiaire des réseaux sociaux.

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Capture d’écran. Recherche de mot clé « culture américaine », lien vers des ressources associées.

Pour prolonger l’expérience

Enfin, la quatrième et dernière rubrique est celle de la boutique en ligne. Annexe à la fameuse boutique du Centre Pompidou, elle propose une série d’articles, se présentant comme une véritable boutique en ligne : librairie, papeterie, mode et accessoire, décoration, multimédia etc. Cette dernière section « multimédia » offre la possibilité, via le lien « app store » , de télécharger des applications pour iphone ou ipad sur des artistes et/ou expositions du Centre Pompidou. Ces applications développées par le musée contiennent un catalogue d’exposition ainsi que des informations sur l’artiste/thème de l’exposition. Cela permet alors aux spectateurs de retrouver les oeuvres observées lors des visites directement sur son téléphone ou sa tablette et ainsi de prolonger l’expérience de la visite ou encore d’approfondir ses connaissances.

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Capture d’écran. Exemple application, Roy Lichtenstein, boutique en ligne Centre Pompidou, Itunes store.

Le site web du Centre Pompidou, présenté ici dans son ensemble, est donc porteur d’informations supplémentaires pour le spectateur, il complète sa visite en dehors du musée, lui permet d’accéder à certaines des oeuvres du centre depuis chez lui, dans n’importe quelle partie du monde. Au total, il offre la possibilité d’accéder à 95.000 ressources numériques tous supports confondus. Son identité visuelle est très simple, basée sur le graphisme du logo du centre, elle privilégie les lignes horizontales, une palette de couleurs restreinte. Néanmoins, à la suite de cette étude sur le contenu détaillé du Centre Pompidou virtuel, il serait bon de se demander si le site répond vraiment au prérogatives énoncées en 2012 par Alain Seban lors de son lancement. D’autre part le site, aussi riche soit-il, correspond-t-il vraiment aux attentes actuelles de ses visiteurs ?

Une star de l’art contemporain

« L’art doit être accessible à tous. Le monde de l’art utilise le goût comme forme de ségrégation. J’essaye de faire un travail que tout le monde puisse aimer, que les gens les plus simples n’imaginent pas ne pas pouvoir comprendre. Je viens d’un milieu très provincial. » Jeff Koons

Parcours de l’artiste

Jeff Koons, 2003, http://www.moreeuw.com

Jeff Koons, 2003, © http://www.moreeuw.com.

Né en 1955 aux États-Unis (à York, en Pennsylvanie) Jeff Koons expose ses premières oeuvres (copies de grands peintres) dans la boutique de son père, décorateur d’intérieur. Il grandit dans le milieu de l’art et des objets d’art et dit à ce sujet : « Je suis probablement devenu artiste car mon père était décorateur d’intérieur. C’est lui qui m’a initié à l’esthétique. Je me rendais dans son magasin et je voyais toutes ces couleurs, ces textures et ces objets : des lampes, des tables, des chaises… », « Cela m’a donné une vraie estime de moi-même et une certaine “position” au sein de ma famille, mais aussi dans notre entourage proche ».

Il commence à étudier le dessin et la peinture en 1962, puis entre en 1972 à l’Ecole des Beaux-Arts du Maryland Institute à Baltimore ou il apprend l’art et le design pour continuer son parcours en 1975 à l’Institut des Beaux-Arts de Chicago. Il s’installe ensuite à New York, où il devient coursier à Wall Street durant 10 ans, activité à coté de laquelle il commence a créer des oeuvres (de manière a pouvoir les financer). En 1980 il présente sa première exposition, intitulée The New, au New Museum of Contemporary Art de New York.

Oeuvres, réalisations et tendances

Aujourd’hui, l’essentiel de ses conceptions se font sur ordinateur, à partir de bouts de magazines scannés, de fragments de tableaux déjà existants ajoutés à une multitude d’éléments trouvés sur le net. Le tout est ensuite assemblé et mixé sur écran, jusqu’à obtenir la maquette définitive qui servira de modèle aux exécutants une fois les couleurs analysées numérotés et préparées. Koons travaille en effet avec des assistants, possédant 5 ateliers et plus d’une centaine d’employés. De par cette démarche : mêler à son propre travail des fragments ou des éléments extérieurs, il souhaite faire dialoguer ses oeuvres avec l’histoire de l’art. Il réalise des séries détournant des oeuvres antiques tels que la Metallic Venus en 2010-2012.

Jeff Koons dans son atelier entouré de ses assistants.

Jeff Koons dans son atelier entouré de ses assistants.

Lors de son exposition en 2008 au château de Versailles il déclarera : « C’est vraiment un sommet de ma vie. Voir mes oeuvres dans les jardins et dans différentes pièces est quelque chose d’extraordinaire. C’est un moment extrêmement fort parce que le dialogue qui s’établit ici semble naturel. Avec toute l’histoire de Versailles et tout l’aspect esthétique, il se crée des échanges, des interactions, des connexions multiples sous de nombreux angles, à commencer par celui concernant aussi bien le contrôle que l’absence totale de contrôle. »

Metallic Venus high chromium stainless steel with transparent color coating, live flowering plants 100 x 52 x 40 inches 254 x 132.1 x 101.6 cm © Jeff Koons 2010-2012

Metallic Venus
high chromium stainless steel with transparent color coating, live flowering plants
100 x 52 x 40 inches
254 x 132.1 x 101.6 cm
© Jeff Koons
2010-2012

Three Ball 50/50 Tank (Two Dr. J Silver Series, Wilson Supershot) glass, steel, distilled water, three basketballs  60 1/2 x 48 3/4 x 13 1/4 inches  153.7 x 123.8 x 33.7 cm  Edition of 2 © Jeff Koons 1985

Three Ball 50/50 Tank (Two Dr. J Silver Series, Wilson Supershot)
glass, steel, distilled water, three basketballs
inches
153.7 x 123.8 x 33.7 cm
© Jeff Koons
1985

Héritier du Pop art, souvent mis en parallèle avec Andy Warhol, s’inspirant de la culture américaine, ou avec Marcel Duchamp connu pour ses ready made, il se plait à utiliser des objets de la vie quotidienne. Il expose radio, grille pain, ballon de basket et les met en scène sur des lumières fluorescentes, dans des vitrines. Sa série Three Ball Total Equilibrium Tank (Ballons de basket en équilibre dans de l’eau dans une vitrine) en est un bon exemple.

Il développe aussi beaucoup l’univers du jeu et de l’enfance avec sa série de fleurs en plastiques et de ballons qui prennent différentes formes, lego, pate à modeler, chiens…(les fameux Balloons Bogs!). Il emploie pour cela des couleurs franches et vives rappelant la société de consommation ou l’univers de Walt disney. Il est souvent considéré comme le maître incontesté du Kitsch, c’est à dire « l’accumulation et l’usage hétéroclite, dans un produit culturel, de traits considérés comme triviaux, démodés ou populaires ».

Il utilise également la photo et la publicité, les détournant dans des affiches souvent humoristiques de manière a ce que son art touche un plus grand nombre de personnes, utilisant des sujets populaires. Dans Aqua Bacardi, il décline une publicité, copiant minutieusement tous ses détails (utilisant un support classique, celui de l’huile sur toile) avec un sujet peu classique, qui est en fait une « fausse publicité ». Il pose donc la question de l’authenticité de l’œuvre. En effet, dans une société ou la reproduction, les médias, le développement des images sont omniprésentes : la frontière entre œuvre réelle et reproduction devient plus faible.

Aqui Bacardi oil inks on canvas 45 x 60 inches 114.3 x 152.4 cm © Jeff Koons Edition of 2 plus AP 1986

Aqui Bacardi
oil inks on canvas
45 x 60 inches
114.3 x 152.4 cm
© Jeff Koons Edition of 2 plus AP
1986

Son oeuvre possède également une grande dimension provocatrice. En 1991, il se marie avec la Cicciolina, actrice de films pornographiques et politicienne italienne avec qui il crée la série intitulée Made in Heaven qui exhibe des images de l’artiste nu et de sa femme à moitié dénudée faisant l’objet de nombreuses polémiques aux États-Unis. Il réalise des statues représentant des positions de Kama sutra.

Made in Heaven lithograph billboard  125 x 272 inches 317.5 x 690.9 cm  © Jeff Koons Edition of 3 plus AP 1989

Made in Heaven
lithograph billboard
125 x 272 inches, 317.5 x 690.9 cm
© Jeff Koons
1989

Plus récemment, en 2014, il a réalisé la dernière pochette d’album de la chanteuse pop Lady Gaga : l’album est, en soi, un symbole pop tant les artistes du pop art ont aimé s’y frotter, à commencer par Andy Warhol pour les Rolling Stones. Avec cette collaboration il tente de toucher a tous les arts dans une volonté de détruire cette hiérarchie entre les arts, d’abolir les frontières.

Mondialement connu, Jeff Koons réalise donc des oeuvres très diverses. Très prisé des collectionneurs, il a acquis le statut d’artiste le plus cher du monde en 2013 ; lors d’une vente aux enchères, l’un de ses Balloon dog s’est arraché à 58,4 millions de dollars (soit 46,7 millions d’euros). L’ensemble de ses oeuvres et de ses expositions sont consultables en ligne sur le site internet de l’artiste, ainsi que la biographie et le parcours et la biographie de l’artiste. Jeff Koons est également en ligne à travers les réseaux sociaux pour des actualités plus directes et interactives : il possède un compte Twitter et un compte Instagram (ce dernier étant peu fourni).

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Pochette du troisième album de Lady Gaga, réalisée par Jeff Koons